Résumé :
- Un éminent scientifique chinois alerte sur une pénurie critique de talents dans le secteur quantique
- Le système d’évaluation chinois privilégie les publications au détriment de l’innovation réelle
- La Chine risque de répéter une erreur historique qui lui a déjà coûté plusieurs prix Nobel
- Xi Jinping place personnellement l’informatique quantique au cœur des priorités nationales
Dans la course effrénée à la suprématie technologique mondiale, l’informatique quantique représente l’un des enjeux les plus cruciaux. Alors que la Chine investit massivement dans ce domaine stratégique, une voix autorisée vient de faire vaciller les certitudes du géant asiatique. Yu Dapeng, éminent membre de l’Académie chinoise des sciences, vient de révéler une faille majeure dans la stratégie chinoise qui pourrait compromettre l’ensemble de ses ambitions quantiques.
Les faiblesses du géant chinois dans la course quantique
Au cœur du problème se trouve une réalité que Yu Dapeng n’hésite pas à dénoncer : le manque criant d’innovation et d’ingéniosité dans le secteur quantique chinois. Malgré des financements publics considérables, le développement se heurte à un obstacle majeur : la pénurie de talents.
Yu Dapeng, qui dirige également l’Institut des sciences et de l’ingénierie quantiques de Shenzhen, explique :
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Comment la Chine a laissé échapper 4 prix Nobel
L’avertissement de Yu Dapeng prend une dimension particulièrement inquiétante lorsqu’il rappelle un précédent historique douloureux. En 1964, la Chine célébrait ses avancées dans le domaine de la microscopie électronique à transmission (TME) par l’émission d’un timbre commémoratif. Pourtant, ce qui aurait pu être une success story s’est transformé en cauchemar avec l’avènement de la Révolution culturelle.
Yu Dapeng souligne avec amertume :
« Nous avons perdu nos talents. Nous avons perdu nos technologies. Dans les années qui ont suivi, quatre prix Nobel ont été décernés à des scientifiques étrangers pour leurs contributions à la microscopie électronique, tandis que la Chine n’en a obtenu aucun »
Les domaines ultrasensibles qui dépendent de cette technologie
L’informatique quantique n’est pas qu’une simple course à la technologie. Pour la Chine, elle représente un outil « supérieur » aux systèmes classiques dans des domaines critiques : traitement des big data, prévisions météorologiques extrêmes, intelligence artificielle, et sécurisation des infrastructures sensibles comme les chemins de fer à grande vitesse ou les bases nucléaires.
Ce caractère stratégique n’a pas échappé au président Xi Jinping qui, lors de la remise des prix scientifiques et technologiques annuels le 24 juin, a exhorté les scientifiques à cibler le « haut terrain stratégique du développement technologique et industriel futur ». L’objectif est clair : faire de la Chine un leader mondial de la technologie et de l’innovation d’ici 2035.
Le défi titanesque qui attend la Chine
La route vers la suprématie quantique reste semée d’embûches. Yu Dapeng pointe notamment la difficulté à trouver des fournisseurs de premier plan tout au long de la chaîne d’approvisionnement du secteur quantique. La collaboration entre les différents acteurs en matière de conception, d’approvisionnement et de traitement s’avère également primordiale.
« Nous avons besoin de talents issus de domaines variés », insiste Yu.
« Ils doivent faire preuve de patience et chercher à développer leur expertise dans leurs domaines respectifs, plutôt que de se précipiter vers des secteurs déjà saturés. »
Cette mise en garde fait écho aux échecs observés dans d’autres secteurs technologiques chinois, comme celui des énergies renouvelables, où la concurrence effrénée a conduit à une dévaluation des produits.
Face à ce défi majeur, la Chine se trouve à un tournant critique de son histoire technologique. Troisième pays au monde à avoir développé un système informatique quantique complet en 2021, elle risque pourtant de voir ses ambitions compromises si elle ne parvient pas à résoudre rapidement sa crise des talents. L’avenir dira si le géant asiatique saura tirer les leçons de son passé pour éviter de répéter les erreurs qui lui ont déjà coûté sa place dans la course à l’innovation. Une chose est certaine : dans la bataille mondiale pour la suprématie quantique, le temps presse et chaque talent compte.